Entretien avec Sébastien Desplat, de l'Atelier R.L.D.
Par Camille Viéville
OSP poursuit ses visites d'atelier et s'est rendue dans les locaux parisiens de l'Atelier R.L.D., imprimeur et éditeur d'art. Ou l'occasion d'en savoir plus sur ces métiers, héritiers d'une tradition née au XIXe siècle, grâce à Sébastien Desplat, artisan et éditeur.
Camille Viéville : Comment est né l'Atelier R.L.D. ?
Sébastien Desplat : L’Atelier R.L.D. a été fondé en 1973 par Robert et Lydie Dutrou. Robert Dutrou (1930-1999) a commencé en 1944 comme apprenti à l’atelier Lacourière [célèbre atelier parisien fondé en 1929, spécialisé en lithographie et taille-douce, ndlr], où il s’est lié avec de nombreux artistes parmi lesquels Joan Miró, dont il devient le graveur.
Après une première association avec Aldo Crommelynck (1931-2008) [maître-graveur de renom, ndlr], Robert, accompagné de son épouse Lydie, travaille pour les Maeght qui lui ont confié la direction de leur atelier de taille-douce [c'est-à-dire toutes les techniques de gravure en creux sur une plaque de métal, ndlr]. Pour des raisons familiales, Lydie et Robert décident en 1973 de créer leur propre atelier, l’atelier Morsang, à Saint-Michel-sur Orge – les éditions Maeght resteront leurs principaux clients, jusqu’au décès d’Aimé Maeght en 1981.
L’atelier, rebaptisé l'Atelier R.L.D., d’après les initiales de ses fondateurs, déménage ensuite à Paris dans le XIIIe arrondissement. À cette époque, de nombreux imprimeurs ferment leurs portes et le couple rachète des fonds de typographes et de lithographes (presses, plombs, pierres, etc.), afin de diversifier ses activités et de préserver un patrimoine menacé de disparition.
En 1978, Robert et Lydie font l’acquisition à La Métairie-Bruyère (Bourgogne) d’une ferme qui accueille un second pôle d’ateliers, ouvert au public depuis 1994.
C.V. : Quelles sont aujourd’hui les différentes activités de l'Atelier R.L.D. ?
S.D. : Aujourd’hui, l’activité principale de l'Atelier R.L.D., c’est l’imprimerie : gravure, lithographie, typographie et digigraphie. Dans ce cadre, on travaille à la commande (pour des designers, des marques de luxe, des maisons d’édition, des galeries, des artistes, etc.). On loue également aux artistes qui le souhaitent nos ateliers bourguignons, équipés du matériel nécessaire à l’impression (presses, acides, boîtes à résine, etc.).
Notre deuxième activité est celle d’éditeur d’art, spécialisé dans le livre d’artiste et l’estampe contemporaine. À notre catalogue figurent, entre autres, les noms de Valerio Adami, Pierre Alechinsky, Eduardo Arroyo, Atelier Bingo, Pierre Bettencourt, Corneille, Ludovic Debeurme, Hervé Di Rosa, Sophie Dutertre, Joan Miró, M/M Paris, Max Papart, Antonio Saura, Bertrand Secret, Speedy Graphito ou encore Hervé Télémaque.
Nous sommes aussi organisme de formation, afin de permettre aux artistes cotisant à la Maison des Artistes d’être initiés aux techniques de la gravure et de l’estampe – dans ce cadre, ils peuvent être hébergés plusieurs semaines à La Métairie-Bruyère.
Outre ses ateliers de gravure, de lithographie, de typographie et de digigraphie et afin de mener à bien toutes ces activités dans les meilleures conditions, l'Atelier R.L.D. possède aussi ses ateliers d’encadrement, de cartonnage d’art et de papier (découpe, mouillage, séchage).
Enfin, La Métairie-Bruyère est un centre d’art graphique qui accueille des expositions et des évènements (concerts, stages, etc.).
Corinne Dutrou, la fille de Robert et Lydie, est gérante et s’occupe de la direction artistique de la maison d’édition. Christian Mameron, son compagnon, est chef d’atelier ; typographe de formation, il a appris la taille-douce et la lithographie aux côtés de Robert. C’est un très bon pédagogue et un excellent coloriste, les artistes aiment beaucoup travailler avec lui [à ce sujet, voir le témoignage de Jacques Leclercq-K., « OSP aime les artistes #01 », ndlr].
C.V. : Comment as-tu intégré l'Atelier R.L.D. ?
S.D. : J’ai fait les beaux-arts. À l’occasion d’un stage à La Métairie-Bruyère, j’ai découvert le lieu, le travail collectif des ateliers, une volonté d’accueil des publics, un désir de transmission. Et j’ai eu envie d’y travailler. Je suis arrivé au moment où l'Atelier R.L.D. avait besoin de renouveler son approche, de rencontrer de nouveaux artistes, d’initier des projets neufs. Aujourd’hui, je m’occupe de l’atelier de Paris où j’accueille les artistes et les clients pour les aider à définir leurs besoins, je démarche de jeunes artistes pour la maison d’édition – avec le souci de trouver un équilibre entre abstraction, figuration et street art –, je fais le suivi des projets, etc.
C.V. : Quels sont les prochains événements organisés par l'Atelier R.L.D. ?
S.D. : On élabore actuellement notre prochaine exposition, organisée pour les 25 ans de La Métairie-Bruyère à l’été 2019. Elle s’intitulera « Portraits de famille », sorte de jeu des 7 familles revisité par Clet Abraham, Camille Falsini, Kashink, M. Pee, Damien Poulain, Antonio Segui et Speedy Graphito, et s’adressera autant au jeune public qu'à un public averti. On éditera le jeu ainsi que les différents portraits lithographiés, en tirage numéroté et signé. Il faut rappeler que, depuis sa création, tous les bénéfices générés par l’association qui gère La Métairie-Bruyère sont reversés à des œuvres caritatives en faveur des enfants.
L’Atelier R.L.D. a emménagé récemment dans de nouveaux locaux rue de Montreuil dans le 11e arrondissement parisien et on aimerait en faire un lieu de rencontre. Ainsi, en décembre, on organisera un premier pop up : l’atelier sera ouvert au public, on pourra découvrir les dernières productions et, si on le souhaite, les acquérir.
Pour ce qui est des collaborations, on s’apprête à faire des estampes avec Jean-Marie Appriou, Mathias Augustyniak de M/M Paris ou Sabine Finkenauer. On prépare également une collection de goodies (pin’s, badges brodés ou petits livres), pour rendre l’art accessible à tous !
C.V. : Pour finir, aurais-tu un graveur à recommander à OSP ?
S.D. : David Hockney [rires] ! Pour sa capacité à se renouveler et son intérêt pour les nouvelles technologies. Et Kiki Smith, aussi. Voilà deux artistes avec lesquels j’aimerais beaucoup travailler !
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